La possibilité de contester la validité ou l'absence d'usage d'une marque devant l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) constitue l’apport majeur de l'Ordonnance du 13 novembre 2019, prise sur le fondement de la loi PACTE et transposant en droit français les dispositions du "Paquet Marque".
Nous vous exposons ici les grands principes à retenir s'agissant des nouvelles procédures administratives en nullité et déchéance de marque qui entreront en vigueur à compter du 1er avril 2020.
En bref :
- Les demandes en nullité et déchéance de marque française (ou internationale désignant la France) devront être introduites devant l'INPI et non plus devant les tribunaux judiciaires.
- Toute personne physique ou morale pourra agir en nullité ou en déchéance, sans avoir à justifier d'un quelconque intérêt à agir et l'action en nullité de marque devient imprescriptible.
- Les nouvelles procédures administratives en nullité et déchéance de marque seront encadrées par des délais stricts afin de garantir une procédure contradictoire et surtout rapide.
- Il sera désormais plus facile et moins coûteux de contester les marques abusivement déposées ou non exploitées par leur titulaire, ce qui devrait permettre de désencombrer le registre des marques en vigueur en France.
Dans le détail :
1. Un transfert du pouvoir judiciaire au pouvoir administratif
Jusqu'à présent les actions en nullité et déchéance de marques françaises relevaient du pouvoir judiciaire, à la différence du sort des marques européennes relevant de la compétence administrative de l'Office de l'Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO).
Dans le cadre de la transposition de la Directive 2015/2436/UE dite "Paquet Marque" conduisant à une harmonisation au niveau européen, les procédures en nullité et déchéance de marque vont désormais relever de la compétence exclusive de l'INPI.
Les tribunaux resteront uniquement compétents dans les cas où les demandes seront formées à titre reconventionnel, lorsqu'elles seront associées à une demande connexe (concurrence déloyale, droit d'auteur, etc.) ou en cas de mesures probatoires, provisoires ou conservatoires déjà prononcées par les tribunaux.
Ce transfert de compétence du judiciaire vers l'administratif est destiné à désengorger les tribunaux et à faciliter les actions en nullité et déchéance de marque grâce à une procédure administrative plus souple.
L'ouverture des procédures en nullité et déchéance de marque est également grandement facilitée puisqu'il ne sera plus nécessaire de justifier d'un intérêt à agir, comme c'était le cas devant les tribunaux judiciaires.
La réforme supprime également tout délai de prescription pour les demandes en nullité de marque qui pourront désormais être formées à tout moment. La règle de la forclusion par tolérance, prévoyant que le titulaire d'un droit antérieur ne peut solliciter la nullité d'une marque postérieure dont il a toléré l'usage pendant une période de 5 années consécutives, reste néanmoins valable.
2. Les motifs relevant de la compétence de l'INPI
L'INPI sera désormais compétent pour statuer sur la plupart des motifs pouvant affecter la validité des marques en vigueur en France, notamment le défaut de caractère distinctif, l'atteinte à un droit antérieur (marque antérieure, dénomination sociale, nom de domaine), ou encore le dépôt frauduleux.
La demande en nullité pourra être fondée sur un ou plusieurs motifs. Sous réserve de leur appartenance au même titulaire, une telle demande pourra être fondée sur plusieurs droits antérieurs.
L'INPI sera, par ailleurs, compétent pour statuer sur le sort des marques inexploitées pendant une période ininterrompue de 5 année à compter de leur enregistrement et également les marques devenues usuelles ou trompeuses du fait de leur usage.
3. Les nouvelles procédures administratives contradictoires et rapides
Les demandes en nullité et déchéance seront organisées de manière à permettre le respect du principe du contradictoire entre les parties. Ainsi, toute demande en nullité ou déchéance de marque sera suivie par l'ouverture d'une phase d'instruction dont le déroulement est présenté dans le schéma ci-dessous.
La durée totale des procédures devrait donc être au maximum de 9 mois, à compter de la date de dépôt de l’action. Les procédures s'annoncent donc rapides et efficaces.
La phase d'instruction pourra néanmoins être suspendue sur demande conjointe des parties, pendant une durée de 4 mois renouvelable deux fois, afin de permettre aux parties de négocier et éventuellement transiger.
Les délais pourront également être suspendus lorsque les droits antérieurs, invoqués à l'appui de la demande, feront eux-mêmes l'objet d'une action en nullité ou lorsque certaines informations seront susceptibles d'avoir une incidence sur l'issue du litige.
Dans l'hypothèse où l'une des parties ne présenterait pas d'observation en réponse à l'expiration des délais prescrits, l'INPI clôturera la phase d'instruction, sans délai, de manière à rendre une décision.
4. Un retour au judiciaire en cas de recours contre les décisions de l'INPI
Les recours formés contre les décisions de l'INPI reviendront au pouvoir judiciaire puisqu'ils devront être introduits devant les cours d'appel territorialement compétentes dans un délai d'un mois (sous réserve du délai de distance).
Les parties auront la possibilité de présenter des arguments nouveaux mais également de fournir des pièces complémentaires devant la cour d'appel, afin de demander la réformation ou la confirmation de la décision de l'INPI.
Un contrôle judiciaire des décisions rendues par l'INPI sera ainsi assuré.