Les difficultés de contrôle des horaires des salariés en télétravail
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Insight

Les difficultés de contrôle des horaires des salariés en télétravail

Le télétravail, généralisé à la suite de la crise sanitaire, demeure aujourd’hui une modalité courante d'exécution du contrat de travail. S'il offre des avantages indéniables en matière de qualité de vie et d'organisation, il interroge profondément sur les conditions d'exercice du pouvoir de contrôle de l’employeur, notamment quant au respect des horaires de travail.  Or, cette question se situe au cœur de l'équilibre entre performance de l'entreprise, respect du droit du travail et préservation des libertés fondamentales du salarié.

En ce sens, le contrôle du temps de travail en télétravail constitue un défi majeur pour les entreprises. L’équilibre entre les impératifs de contrôle de l’employeur et les droits fondamentaux du salarié impose une rigueur accrue dans le choix, la mise en œuvre et l’usage des dispositifs de surveillance. Le recours à des outils proportionnés, transparents et encadrés apparaît comme la voie à privilégier dans un contexte où la relation de confiance devient le socle incontournable du travail à distance.

  1. Un pouvoir de contrôle toujours reconnu à l'employeur

Le télétravail, en tant qu’organisation particulière du travail, n’emporte pas rupture du lien de subordination. L’employeur conserve donc son pouvoir de direction et de contrôle (article L. 1222-9 du Code du travail ; ANI 26 nov. 2020, article 4.1). A ce titre, il lui incombe notamment de veiller au respect des durées maximales de travail et des temps de repos (articles L. 3121-18 et L. 3131-1 du Code du travail).

Divers outils peuvent être mobilisés à cette fin, tels que :

  • les systèmes auto-déclaratifs (feuilles de temps, déclarations quotidiennes),
  • les logiciels de pointage ou de suivi du temps de travail,
  • le management par objectifs.

Mais en télétravail, le contrôle est souvent moins spontané et plus délicat à mettre en œuvre, tant pour des raisons techniques que juridiques.

  1. Une gestion délicate du temps de travail

Le respect de la durée du travail en télétravail est une obligation légale. Pourtant, la pratique montre une porosité croissante entre temps de travail et temps personnel. En pratique, il est difficile pour l’employeur de vérifier :

  • que le salarié ne dépasse pas les seuils légaux,
  • qu’il prend effectivement ses pauses,
  • qu’il respecte ses horaires contractuels.

Au demeurant, si le télétravail résulte de l'application d'un accord collectif ou d'une charte, il doit clairement encadrer :

  • les plages horaires durant lesquelles l’employeur peut contacter le salarié,
  • les modalités de contrôle du temps de travail.

Enfin, il appartient à l'employeur de veiller au respect du droit à la déconnexion des salariés (article L.2242-17 du Code du travail ; Ani 26 nov. 2020).

  1. L'impératif de proportinnalité et de loyauté

Le cadre légal impose que tout dispositif de contrôle soit proportionné au but poursuivi, porté à la connaissance du salarié et soumis à la consultation préalable du CSE (articles L. 1121-1 et L. 2312-38 du Code du travail). Au demeurant, l'employeur est tenu à une obligation de loyauté envers ses salariés, tant en vertu du Code du travail que du RGPD. Dès lors, si le pouvoir de contrôle de l'employeur est une contrepartie normale et inhérente au contrat de travail, il ne saurait pour autant être exercé de manière excessive.

La CNIL, dans son questions-réponses du 12 novembre 2020, rappelle fermement que l'employeur ne peut placer ses salariés sous surveillance permanente et juge ainsi illicites :

  • l’usage de keyloggers (périphérique enregistrant l'utilisation d'un ordinateur),
  • le partage permanent d’écran,
  • la visioconférence imposée sur toute la journée,
  • ou encore l’obligation de cliquer à intervalle régulier pour prouver sa présence.

De la même manière, les juges ont pu souligner que l'employeur ne peut valablement recourir à des stratagèmes dans le but de piéger le salarié.

L’objectif recherché doit justifier le choix du dispositif mis en place, et celui-ci doit être le moins intrusif possible.

  1. Vers une approche raisonnée du contrôle

La CNIL encourage une approche par objectifs pour une période donnée et/ou des comptes rendus réguliers. Cette méthode est compatible avec les exigences légales et permet d’éviter des dispositifs trop intrusifs.

Ce mode de management présente en effet plusieurs atouts :

  • il favorise l’autonomie du salarié,
  • il limite le besoin de traçage horaire strict,
  • il repose sur des résultats mesurables dans un cadre concerté.

Cependant, pour être efficace et juridiquement robuste, il doit reposer sur des critères objectifs quantifiables, raisonnables et contrôlables à intervalles réguliers.