Quelles nouveautés introduites dans la LFSS pour 2025 pour le secteur pharmaceutique ?
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Insight

Quelles nouveautés introduites dans la LFSS pour 2025 pour le secteur pharmaceutique ?

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France

Eclairages relatifs à la clause de sauvegarde et aux sanctions financières en cas de pénuries

La dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, et l’instabilité politique en ayant résulté, a retardé l’adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 20251 («LFSS pour 2025»), finalement promulguée le 28 février 2025. Pour le secteur pharmaceutique, deux des mesures clés témoignant d’une volonté de régulation stricte, sont les modifications relatives à la clause de sauvegarde (Art. 29) et celles relatives aux sanctions financières pour pénuries de médicaments (Art. 75). La mise en œuvre de ces dispositions suscite toutefois des interrogations concernant la prévisibilité et les relations entre les industriels et les autorités publiques.

Clause de sauvegarde

Les modifications régulières de la clause de sauve­garde sont des facteurs d’instabilité juridique pour les industriels, principalement en raison de l’évolution permanente de ses modalités de calcul au fil des diffé­rentes LFSS. Cette clause, dont la complexité est souvent critiquée, y compris devant les tribunaux où l’État a parfois été condamné, est considérée comme une singu­larité française par de nombreux pays européens.

En premier lieu, sur l’entrée en vigueur du dispositif. Pour rappel, la LFSS pour 2024 avait introduit une évolu­tion majeure quant au calcul de la clause de sauvegarde en passant d’une assiette sur le chiffre d’affaires net déclaré par les entreprises à une assiette calculée sur les dépenses remboursées par l’assurance maladie : la LFSS pour 2025 reporte d’un an l’entrée en vigueur de cette réforme, soit au 1er janvier 2027.

En second lieu, la LFSS pour 2025 définit une nouvelle assiette2 en élargissant les types de médicaments pris en compte pour le calcul de la clause, par exemple, les spécialités prises en charge par l’assurance maladie au titre des AMM miroirs, ou certaines de leurs indications seulement.

En dernier lieu, le montant de référence «M» pour l’année 2025 est fixé à 27,25 milliards d’euros, et le rendement de la clause de sauvegarde est plafonné à 1,6 milliard d’euros. Le principe de plafonnement individuel de la clause due par chaque entreprise pharmaceutique est maintenu à 10% du chiffre d’affaires hors taxes, en particulier pour la clause de sauvegarde due au titre de 2025, mais ce plafond sera porté à 12% pour la contribu­tion due au titre de 2026. L’assiette de ce plafond étant plus large que l’assiette de la clause de sauvegarde, il semble toutefois peu probable que ce plafond puisse réellement servir de garde-fou dans la pratique.

La LFSS pour 2025 maintient un plafond dérogatoire pour les spécialités génériques, les princeps sous TFR3 ou à prix égal aux génériques, et certains princeps dans des classes thérapeutiques précises, désormais à 1,75%, pour la contribution due au titre de 2025. Un taux dérogatoire avait déjà été mis en place en 2024 et continue d’être apprécié des génériqueurs et critiqué par les laboratoires princeps.

Malgré ces ajustements, la constante évolution des règles et leur mise en application tardive compliquent la gestion financière et stratégique des entreprises pharmaceu­tiques, et la situation délicate des filiales françaises à l’égard de leur maison mère internationale.

Depuis 2021, les appels de la clause de sauvegarde ont chaque année été retardés par le CEPS4 et l’Urssaf, avec un décalage de plusieurs mois par rapport au calendrier impératif fixé par le code de la sécurité sociale. Cette insta­bilité rend difficile la planification à long terme, suscep­tible de dissuader les investissements dans le secteur et d’affecter l’innovation et la disponibilité des médicaments.

Gestion des pénuries : une régulation renforcée et des sanctions financières accrues

En 2023, près de 5 000 signalements de pénuries ou de tensions d’approvisionnement ont été recensés en France, majoritairement liées à des difficultés sur les matières premières importées. Ces ruptures posent un problème majeur pour les industriels qui peinent à garantir une production stable. L’ANSM a renforcé les mesures pour répondre selon elle à cette situation, notamment en prononçant chaque année des sanctions financières plus nombreuses qui ont généré de nombreux contentieux. L’article 75 de la LFSS pour 2025 introduit plusieurs mesures de lutte contre ces pénuries.

Les sanctions financières en cas de manquements aux obligations de stock sont augmentées de façon majeure et inédite, et ce a priori dès l’entrée en vigueur de la LFSS pour 2025 (sous réserve de l’articulation avec des dispositions réglementaires comme les lignes direc­trices de l’ANSM) : précédemment d’1 million d’euros, ces sanctions peuvent désormais être d’un montant cinq fois plus élevé, dans la limite de 50% du chiffre d’affaires contre 30% auparavant. Toutefois, ces limites étant fixées par produit, plusieurs sanctions pourraient être prononcées par l’ANSM à l’encontre d’un même laboratoire. L’ANSM l’a déjà fait par le passé, aboutissant au paiement de montants considérables pour les entre­prises du secteur. Une amende du montant maximal autorisé antérieur a même déjà été prononcé par l’ANSM, ce qu’elle pourrait donc renouveler mais cette fois-ci au montant de 5 millions. Il est possible de s’interroger sur la pratique que l’ANSM va mettre en œuvre et notam­ment sur le point de savoir si elle va modifier ses lignes directrices, notamment concernant le montant plancher qu’elle applique aujourd’hui aux sanctions, i.e. 20% du chiffre d’affaires du produit en cause.

Dans ce cadre toutefois, la LFSS ajoute également une nouveauté essentielle : reflet de la prise de conscience de la nécessité d’une juste balance entre maintien du stock de sécurité et approvisionnement du marché, l’ANSM peut désormais autoriser un stock minimal de sécurité inférieur aux seuils normalement exigés, afin de privi­légier temporairement l’approvisionnement du marché.

En outre, concernant les plans de gestion de pénuries (PGP) devant être établis et actualisés par les industriels, il est désormais expressément prévu que l’ANSM en définisse le contenu et les conditions, tout en pouvant imposer des exigences renforcées pour les médicaments régulièrement en rupture. Là aussi, l’ANSM a déjà sanctionné financière­ment des laboratoires pour non-respect de leur PGP.

 

CONCLUSION

La LFSS pour 2025 renforce la régulation des dépenses de santé, au prix d’une surexposition des industriels et d’un alourdissement des sanctions. Si ces réformes visent à renforcer la régulation, elles suscitent des inquiétudes permanentes parmi les industriels. L’instabilité législative complique la stratégie des entreprises et risque de ralentir les investissements et l’innovation. Un équilibre reste à trouver entre régulation stricte et stabilité législative pour garantir à la fois la viabilité économique du secteur pharma­ceutique et l’approvisionnement en médicaments pour les patients. A ce jour, malgré les sanctions financières prononcées contre de nombreux labora­toires, il n’a toujours pas été constaté une baisse majeure des ruptures...

  1. Loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025  
  2. Cette nouvelle assiette sera applicable à compter de l'entrée en vigueur de la réforme en remboursé, soit pour la contribution due au titre de 2026. 
  3. Tarif forfaitaire de responsabilité. 
  4. Comité économique des produits de santé.

Cet article a également été publié dans le magazine AFAR121