Les précautions à prendre en matière d'enquête interne : recommandations du Défenseur des droits
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Les précautions à prendre en matière d'enquête interne : recommandations du Défenseur des droits

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France

Le 11 juillet 2024, le Défenseur des droits a rendu une décision marquante dans une affaire de harcèlement sexuel au travail (n°2024-105).

Une salariée déclarait avoir été victime de harcèlement sexuel lié à l’exercice de ses fonctions syndicales. Elle accusait un collègue, également engagé syndicalement, de propos à caractère sexuel et d’agressions.

Cette salariée, soutenue par des attestations de ses collègues, a alerté son employeur. Une enquête interne a été menée, mais celle-ci a conclu à un manque de preuves pour étayer ses allégations.
Ne se laissant pas décourager, la salariée a saisi le Défenseur des droits, qui a alors approfondi l’affaire. L’instruction a confirmé que le collègue mis en cause, ainsi que d’autres, avaient bel et bien tenu des propos sexistes. Le Défenseur a considéré que les conclusions de l’employeur étaient en total décalage avec les témoignages recueillis.

Il a aussi noté plusieurs points problématiques :

  • L’ensemble des témoins n’avait pas été entendu.
  • La durée de l’enquête était excessive.
  • Les salariés responsables n’avaient pas été sanctionnés.

Face à ces constatations, le Défenseur a retenu que l’employeur avait failli à son obligation de sécurité.

Il a également souligné que l’aménagement de la charge de la preuve permettait à la salariée de présenter des indices convergents évoquant un harcèlement sexuel, sans nécessiter de preuve directe, mais seulement en suscitant un doute raisonnable.

De plus, la décision a rappelé des principes essentiels que les entreprises doivent respecter lors des enquêtes internes :
 

  • Impartialité et objectivité : L’enquête doit être conduite par des personnes neutres vis-à-vis des parties impliquées. Tous les témoignages doivent être pris en compte équitablement. Les auditions devraient inclure :
  • La victime présumée,
  • L’accusé,
  • Leurs supérieurs hiérarchiques,
  • Toute personne souhaitant témoigner, à la demande de la victime ou de l’accusé.
     
  • Diligence et rapidité : L’enquête doit être effectuée rapidement pour prévenir toute détérioration de la situation et protéger les parties concernées.
  • Mesures conservatoires : Des actions doivent être mises en place pour assurer la protection de la victime présumée durant l’enquête, comme des ajustements dans les conditions de travail.
  • Confidentialité : La gestion des informations recueillies doit respecter la confidentialité des personnes concernées. Les résultats de l’enquête doivent être communiqués avec précaution, en priorité à la victime présumée.
  • Sanctions appropriées : Si les faits sont avérés, l’employeur doit imposer des sanctions proportionnées, conformément à la législation en vigueur.

Au-delà des recommandations spécifiques à cette affaire, cette décision du Défenseur des droits contribue à renforcer le cadre juridique des enquêtes internes qui n'est pas défini par le Code du travail. Elle met en lumière l’importance pour les employeurs d’assurer transparence, rigueur et protection des droits de tous les acteurs impliqués.

L’affaire illustre également les défis que rencontrent les enquêteurs internes, notamment en matière de collecte de preuves lorsque les témoignages directs sont rares. Le Défenseur des droits insiste sur la nécessité de justifier soigneusement les raisons pour lesquelles certains témoins ne sont pas entendus et d’augmenter le nombre d’auditions si nécessaire, même si celles-ci concernent des témoins indirects.

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