Personne en situation d'handicap : l'employeur qui s'abstient de prendre des mesures peut-il se voir reprocher une discrimination ? | Fieldfisher
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Personne en situation d'handicap : l'employeur qui s'abstient de prendre des mesures peut-il se voir reprocher une discrimination ?

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France

La Cour de cassation a clarifié, dans un arrêt du 15 mai 2024 (Cass. Soc. 15 mai 2024, n°22-11.652), les modalités de preuve de la discrimination pour inaptitude des travailleurs handicapés.

Rappelons que le statut de travailleur handicapé impose à l'employeur de prendre les mesures appropriées pour permettre à ces salariés de conserver un emploi adapté à leurs qualifications, sous réserve que ces mesures ne soient pas disproportionnées (article L.5213-6 du Code du travail). Le non-respect de cette obligation peut constituer une discrimination.

Dans l'arrêt du 15 mai, la question se posait de savoir si le simple fait que l’employeur ne prenne pas en compte le statut de travailleur handicapé dans le cadre d'un licenciement pour inaptitude suffit à prouver une discrimination. La Cour de cassation a répondu par la négative. La Chambre sociale a précisé que, selon le régime probatoire en matière de discrimination :

  • Le salarié doit d'abord présenter des éléments factuels laissant supposer l'existence d'une discrimination.
  • Ensuite, l'employeur doit démontrer que le refus de prendre les mesures demandées était justifié par l'impossibilité matérielle de les mettre en œuvre ou par leur caractère disproportionné.

L'affaire concernait une salariée reconnue travailleur handicapé en avril 2010, recrutée peu après par un nouvel employeur. Après une interruption de travail d'octobre 2010 à août 2015, elle a été déclarée inapte par la médecine du travail et licenciée en novembre 2015 pour inaptitude et impossibilité de reclassement. La salariée a contesté son licenciement, arguant que l’employeur n’avait pris aucune mesure d’aménagement en dépit de son handicap, ce qui constituait une discrimination.

La Cour d’appel avait initialement donné raison à la salariée, déclarant nul le licenciement.

Cependant, la Cour de cassation a censuré cette décision, retenant que le juge doit d'abord vérifier si le salarié présente des éléments laissant supposer une discrimination. Ces éléments peuvent inclure :

  • Le refus implicite ou explicite de l'employeur de prendre des mesures d'aménagement raisonnables, demandées par le salarié ou recommandées par le médecin du travail ou le CSE ;
  • Le refus de solliciter un organisme d'aide à l'emploi des travailleurs en situation d'handicap.

Ensuite, le juge doit examiner si l'employeur justifie ce refus par des raisons objectives, telles que l'impossibilité matérielle ou le caractère disproportionné des mesures.

Ainsi, la Cour de cassation pose le principe selon lequel la personne en situation de handicap ne saurait se contenter de faire état de la seule inertie de son employeur pour établir une discrimination en raison de son état de santé. Il lui faudra prouver que des mesures avaient été demandées en amont à l'employeur et que celles-ci n'ont pas été prises en dépit de ces demandes.

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