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La Cour de cassation, dans un arrêt du 11 décembre 2024 (Cass. Soc., 11 décembre 2024, n° 22-18.362), a tranché une question inédite : que se passe-t-il lorsque la salariée n'a jamais reçu sa convocation à entretien préalable en raison d'une erreur de la Poste ? Réponse : le licenciement est irrégulier.
Les faits : une convocation jamais remise
Une salariée d'un cabinet d'expertise comptable, exerçant parallèlement une activité d'auto-entrepreneur en conseil stratégique, est licenciée pour faute grave. L'employeur lui reproche un manquement grave à son obligation de loyauté.
Mais la salariée conteste la validité de la procédure. Elle n'a jamais reçu sa convocation à l'entretien préalable, envoyée par lettre recommandée avec avis de réception. La raison ? Une erreur de la Poste : aucun avis de passage ne lui a été laissé, l'empêchant ainsi de retirer son courrier.
Un mois plus tard, elle est licenciée. Elle saisit alors la juridiction prud'homale et demande des dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement.
L'analyse de la Cour d'appel
Les juges du fond rejettent sa demande. Selon eux, l'employeur n'est pas responsable de la défaillance de la Poste et n'avait aucun moyen de s'en apercevoir. La mention "pli avisé et non réclamé" sur le courrier retourné semblait confirmer que la salariée avait été avisée.
La Cour de cassation censure : la procédure est irrégulière
La Haute juridiction adopte une position plus stricte : peu importe que l’erreur vienne de la Poste, l’absence de remise de la convocation rend la procédure de licenciement irrégulière. En conséquence, l’employeur aurait dû s’assurer que la salariée était bien en mesure de recevoir sa convocation.
Un rappel important : le respect du délai de 5 jours ouvrables
L’article L. 1232-2 du Code du travail impose un délai minimal de 5 jours ouvrables entre la convocation et l’entretien préalable. Ce délai, qui commence à courir le lendemain de la première présentation de la lettre recommandée (Cass. Soc., 10 juillet 2019, n°18-11.528), vise à garantir au salarié le temps nécessaire pour préparer sa défense.
En l'absence de preuve que ce délai a bien été respecté, la procédure est jugée irrégulière.
Une solution sévère pour l’employeur
L’employeur avait pourtant suivi la procédure à la lettre. Il n'avait pas commis d'erreur et ne pouvait pas se douter de l'incident postal. Pourtant, la sanction tombe : la procédure est irrégulière car la salariée n'a pas eu connaissance de sa convocation et n’a pas pu préparer sa défense.
Et si la salariée avait simplement omis de retirer sa convocation ?
La décision aurait été tout autre. En effet, lorsque le courrier est dûment avisé mais non récupéré par le salarié, la jurisprudence considère que le délai de 5 jours ouvrables commence à courir au lendemain de la première présentation (Cass. Soc., 6 juin 2023, n°22-11.661).
Conclusion
Cette décision de la Cour de cassation rappelle aux employeurs l'importance du respect strict de la procédure de licenciement, même en présence d'erreurs extérieures à leur volonté.
Face à ce risque, une solution pragmatique pourrait consister à doubler l'envoi du courrier par une remise en main propre contre décharge ou par un envoi en courrier simple en parallèle du recommandé. Une précaution qui pourrait éviter bien des litiges.