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Le 25 septembre 2024, la Cour de cassation a clarifié la distinction entre licenciement pour des faits relevant de l'intimité de la vie privée (n°23-11.860) et licenciement pour des faits relevant de la vie personnelle (n°22-20.672).
Nullité du licenciement fondé sur l'intimité de la vie privée
Dans l’affaire (n°23-11.860), un directeur général, cadre dirigeant, avait été licencié pour faute grave. En cause, des propos et images à caractère sexuel échangés via une messagerie privée installée sur son ordinateur professionnel.
La Cour de cassation a confirmé la nullité de ce licenciement, non pour violation de la liberté d'expression, comme l'avait jugé la cour d'appel, mais sur le fondement du droit au respect de l’intimité de la vie privée, protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’article 9 du Code civil et l’article L.1121-1 du Code du travail.
Principes rappelés :
- Droit à l’intimité : Même au travail, un salarié conserve le droit au respect de sa vie privée, incluant le secret des correspondances.
- Caractère illicite du licenciement : Toute sanction disciplinaire fondée, même partiellement, sur des échanges privés viole une liberté fondamentale et entraîne la nullité du licenciement (article L.1235-3-1, 1° du Code du travail).
La Cour a notamment jugé que :
« Le caractère illicite du licenciement fondé sur le contenu de messages personnels émis via un outil professionnel, en violation de l’intimité de la vie privée, entraîne à lui seul sa nullité. »
En l’espèce, la nature privée des échanges, non destinés à être rendus publics et sans lien avec l’activité professionnelle, plaçait ces faits hors du champ du pouvoir disciplinaire de l’employeur.
- Licenciement pour un fait de la vie personnelle sans cause réelle et sérieuse
Dans une seconde affaire (n°22-20.672), un salarié de la RATP avait été licencié après un contrôle de police révélant la possession et la consommation de stupéfiants. Ces faits, signalés à l’employeur par les autorités, avaient conduit à un licenciement pour faute grave.
La Cour de cassation a distingué ici la vie personnelle de l’intimité de la vie privée. Bien que les faits n’aient aucun lien avec l’activité professionnelle, ils n’ont pas été jugés attentatoires à une liberté fondamentale. Dès lors, le licenciement, bien que dépourvu de cause réelle et sérieuse, n’a pas été annulé.
La Cour a ainsi précisé :
« Le licenciement disciplinaire fondé sur un motif tiré de la vie personnelle, sans atteinte à l’intimité de la vie privée, ne peut être annulé, mais reste sans cause réelle et sérieuse. »
- Conséquences distinctes selon la qualification du licenciement
Ces distinctions ont des conséquences majeures sur les droits du salarié :
- Licenciement nul :
- Le salarié peut demander sa réintégration (imposée à l’employeur) ou une indemnité au moins égale à six mois de salaire, échappant au barème Macron.
- La nullité s’applique notamment en cas de violation d’une liberté fondamentale.
- Licenciement sans cause réelle et sérieuse :
- La réintégration n’est pas automatique.
- L’indemnisation est soumise au barème Macron, qui dépend de l’ancienneté et du salaire brut.
Ces arrêts soulignent l’importance de qualifier précisément les faits invoqués pour justifier un licenciement. Lorsque ceux-ci relèvent de l’intimité de la vie privée, la nullité est automatique. En revanche, des faits liés à la vie personnelle, sans rapport avec le travail, peuvent seulement entraîner une absence de cause réelle et sérieuse, avec des conséquences indemnitaires plus limitées.
L’enjeu est de taille, tant pour les employeurs que pour les salariés, dans un contexte où la frontière entre sphères privée et professionnelle tend à se brouiller.