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Quelles conséquences en cas de licenciement jugé nul d’une salariée enceinte ? La Cour de cassation vient de trancher et renforce ses droits à indemnisation.
La Cour de cassation, par un arrêt du 6 novembre 2024 (Cass. Soc., 6 novembre 2024, n°23-14.706), apporte une réponse claire : elle confirme que la salariée peut percevoir une indemnisation couvrant les salaires qu'elle aurait perçus durant la période de nullité du licenciement.
Protection et indemnisation
Le Code du travail prévoit une protection renforcée pour les salariées enceintes contre le licenciement (articles L. 1225-4 et L. 1225-70). Sauf faute grave sans lien avec la grossesse ou impossibilité de maintenir le contrat pour une raison étrangère à celle-ci, tout licenciement est nul. En cas de licenciement abusif, la salariée peut obtenir :
- Sa réintégration avec versement des salaires dus depuis son éviction ;
- Si elle refuse la réintégration, une indemnité minimale de six mois de salaire, complétée par les indemnités de rupture et, sous certaines conditions, les salaires perdus pendant la période couverte par la nullité (articles L. 1235-3-1 et L. 1225-71 du Code du travail).
L'apport de la décision du 6 novembre 2024
Avant la réforme de 2017, l'article L. 1225-71 du Code du travail garantissait aux salariées licenciées abusivement le versement des salaires couvrant la période de nullité. Cette précision ayant disparu lors de la réécriture du texte, la Cour de cassation comble ce vide en s'appuyant sur le droit européen et la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).
Dans cette affaire, une salariée licenciée pour faute grave conteste son licenciement et obtient gain de cause en appel. L'employeur forme un pourvoi, estimant que, depuis la réforme de 2017, seule l'indemnité minimale de six mois est due, sans compensation des salaires perdus.
Une indemnisation complète confirmée par la Cour de cassation
La Cour de cassation rejette l'argument de l'employeur et rappelle que :
- Un licenciement motivé par la grossesse est une discrimination (CJUE, 11 nov. 2010, Danosa, C-232/09) ;
- La réparation d’un licenciement discriminatoire doit garantir soit la réintégration, soit une indemnisation couvrant l’intégralité du préjudice (CJCE, 2 août 1993, Marshall, C-271/91) ;
- L’indemnisation doit être "adéquate" et permettre une compensation complète du préjudice subi (CJUE, 17 déc. 2015, Arjona Camacho, C-407/14).
Ainsi, la Haute juridiction confirme une interprétation protectrice du droit du travail : une salariée enceinte, dont le licenciement est jugé nul, peut prétendre non seulement à l’indemnité minimale de six mois, mais aussi aux salaires qu’elle aurait perçus durant la période couverte par la nullité, ainsi que les congés payés afférents.