Ne laissez pas traîner votre clé USB personnelle... elle pourrait être utilisée comme preuve…
Skip to main content
Insight

Ne laissez pas traîner votre clé USB personnelle... elle pourrait être utilisée comme preuve…

Locations

France

Par un arrêt publié au bulletin en date du 25 septembre 2024 (n°23-13.992), la Cour de cassation a examiné une situation impliquant l’accès par l’employeur au contenu de clés USB personnelles appartenant à une salariée. 

Un cadre strict pour l'accès à une clé USB présumée professionnelle

Dans cette affaire, une salariée, exerçant en dernier lieu les fonctions d’assistante commerciale, avait été licenciée pour faute grave.

L'employeur avait découvert, dans le bureau de la salariée, plusieurs clés USB personnelles contenant des fichiers de l’entreprise, dont certains portaient sur des données de fabrication auxquelles elle n’avait normalement pas accès.

Contestant la validité du contrôle exercé par l’employeur, la salariée a soutenu que la présomption d’usage professionnel ne pouvait s’appliquer ici, car les clés USB n’étaient pas connectées à l’ordinateur professionnel au moment de leur découverte, bien qu’elles aient pu l’être dans le passé.

Atteinte à la vie privée et preuve illicite

Pour la chambre sociale de la Cour de cassation, accéder sans la présence de la salariée aux fichiers de clés USB personnelles non connectées à l’ordinateur professionnel constitue une atteinte à la vie privée, en vertu de l'article L. 1121-1 du Code du travail. La Cour a ainsi conclu que les preuves obtenues de cette manière sont illicites lorsqu’elles reposent sur des éléments extraits d'une clé USB appartenant personnellement au salarié et non branchée à un appareil professionnel.

Admissibilité de la preuve illicite sous certaines conditions

Cependant, dans ce même arrêt du 25 septembre 2024, la Cour de cassation a nuancé ce principe, en indiquant que certaines circonstances peuvent justifier la production en justice de preuves tirées de ces clés USB personnelles, si cela est indispensable pour l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et si l’atteinte à la vie privée reste strictement proportionnée à cet objectif.

La Cour a fondé son raisonnement sur la position adoptée par l'assemblée plénière dans un arrêt de principe concernant les critères d’admissibilité d’une preuve illicite (Cass. Ass. Plén., 22 décembre 2023, n°20-20.648). En appliquant cette analyse aux faits de l’espèce, la Cour a pris en compte les éléments suivants :

  • L’employeur avait veillé à agir de manière proportionnée, invoquant la nécessité de préserver la confidentialité de ses données ;
  • Il avait apporté des preuves concrètes justifiant le contrôle, notamment par des témoignages de collègues qui avaient observé des comportements suspects, tels que la manipulation de documents sensibles et leur rangement dans un sac plastique ou une armoire fermée ;
  • Les éléments de preuve présentés par l’employeur se limitaient aux données strictement professionnelles issues d’une seule clé USB, et ce après tri effectué par un expert en présence d’un huissier de justice. Les fichiers à caractère personnel n’avaient pas été ouverts et avaient été supprimés de la copie remise à l’employeur, comme l’indique le procès-verbal de constat d’huissier.

Ainsi, malgré le caractère illicite de la preuve, elle a été jugée recevable pour établir les faits justifiant le licenciement de la salariée.

La faute grave établie

Les juges du fond ont relevé que la salariée, bien que ne travaillant pas dans la fabrication, avait copié de sa propre initiative des fichiers relatifs aux processus de fabrication, avec l’intention de les conserver. La Cour de cassation a ainsi confirmé que ces agissements, indépendamment de l’ancienneté de la salariée, constituaient une faute grave.

En 2013, la Cour de cassation avait déjà posé le principe selon lequel une clé USB, lorsqu’elle est branchée à un outil informatique fourni au salarié par l’employeur pour l’exécution de son contrat de travail, est présumée utilisée à des fins professionnelles. Sur cette base, l’employeur peut consulter les fichiers non identifiés comme personnels que contient cette clé, même en l'absence du salarié (Cass. soc., 12 février 2013, n°11-28.649).

Domaines d'expertise

Droit Social